De la recherche fondamentale à l’essai clinique : quand comprendre permet de proposer un nouveau traitement
Les neutrophiles, nos principaux globules blancs, ont pour rôle majeur d’éliminer les agents infectieux (dont les bactéries) qui, d’une manière ou d‘une autre, arrivent dans notre sang ou dans nos tissus. Avoir trop peu de neutrophiles (on parle de neutropénie) est donc une situation dangereuse où l’on court de gros risques de développer des infections bactériennes récurrentes.
De gauche à droite : Pr E. Van Schaftingen, Pre M. Veiga da Cunha, Pr G. Bommer
Parmi les causes de neutropénies, certaines sont génétiques et c’est le cas de deux neutropénies étudiées par les Professeur·e·s Maria Veiga da Cunha, Emile Van Schaftingen et Guido Bommer. Ces chercheur·e·s de l’Institut de Duve ont découvert que ces neutropénies congénitales sont caractérisées par des mutations de deux gènes distincts (une enzyme et un transporteur) et que l’une ou l’autre de ces mutations provoque l’accumulation d’une molécule toxique dans les neutrophiles entraînant leur destruction. Le transporteur et l’enzyme collaborent à l’élimination de cette molécule toxique en la transportant à l’intérieur du réticulum endoplasmique (un organite cellulaire) où elle est hydrolysée.
Sur base de la compréhension de ce mécanisme, l’idée a été de diminuer la concentration sanguine du précurseur à partir duquel cette molécule toxique est formée. Un médicament utilisé chez les personnes diabétiques pour bloquer le transport du glucose du rein vers le sang et ainsi augmenter son élimination dans l’urine va être utilisé.
En effet, il provoque également l’élimination dans les urines du précurseur de la molécule toxique pour les neutrophiles. En éliminant ce précurseur, on abaisse sa concentration dans le sang et on diminue ainsi le taux de sa transformation en molécule toxique. Des essais réalisés dans un modèle de souris présentant une de ces deux formes de neutropénie, ont montré que ce traitement permet de retrouver un nombre normal de neutrophiles.
Des essais cliniques doivent maintenant être réalisés chez l’homme afin de pouvoir confirmer l’efficacité de ce traitement. Si c’est le cas, ce traitement serait moins onéreux, moins douloureux et présenterait moins d’effets secondaires que les traitements utilisés actuellement chez ces malades.
Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un projet financé par WELBIO, un institut interuniversitaire de recherche dans les domaines des sciences de la vie financé par la Wallonie, dont la mission est de soutenir la recherche fondamentale stratégique en vue d’en valoriser les découvertes vers des applications industrielles dans tous les champs de la biotechnologie.
Professeure Maria Veiga da Cunha :
« Nous sommes très heureux que la recherche fondamentale que nous avons menée sans savoir s’il y aurait jamais une application possible, ouvre la possibilité de mieux soigner les patients atteints de ces deux maladies rares »
Pour en savoir plus :
- Institut De Duve : la réparation métabolique explique deux neutropénies
- ScienceToday : De l’utilité d’enzymes qui font le ménage
- PNAS: Failure to eliminate a phosphorylated glucose analog leads to neutropenia in patients with G6PT and G6PC3 deficiency
- Trends in Biochemical Sciences: Metabolite repair enzymes control metabolic damage in glycolysis